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Belgian Brain Congress 2012 | Be Brain Connected
maLaDIE D’aLzhEImER : LE jEU DES mÉmOIRES
e. SaLMOn, University of Liege
MéMOire MULtiPLe et vOieS aLternativeS
La mémoire n’est pas un monolithe. Depuis les travaux (1995) du chercheur canadien Endel Tulving, on distingue
traditionnellement cinq systèmes de mémoire principaux : la mémoire épisodique, la mémoire de travail, la mémoire sémantique, la
mémoire procédurale et les systèmes de représentation perceptive (PRS). On sait aujourd’hui que toutes ces formes de mémoire sont
touchées, mais à des degrés divers, dans la maladie d’Alzheimer. Au début de l’affection, la plupart des plaintes concernent la mémoire
épisodique pour des souvenirs récents, cette mémoire qui a trait à des événements que le patient a personnellement vécus peu de
temps auparavant. Par exemple, le fait d’avoir éteint sa cuisinière ou effectué un virement bancaire.
Les différents types de mémoire dépendent de réseaux cérébraux distincts. Ce qui ouvre la porte à de possibles compensations
des défciences mnésiques par le biais de ce qu’il est convenu d’appeler la plasticité cérébrale. En effet, notre cerveau est en perpétuelle
mouvance. Ainsi, le simple fait de lire un texte ou de croiser une personne dans la rue y produit des aménagements, renforçant des
(1)
connexions synaptiques et des réseaux neuronaux, en éliminant d’autres, et cela afn d’assurer des réponses adéquates aux stimuli
du monde extérieur. L’espoir est donc d’utiliser des voies alternatives pour compenser (au moins partiellement) une fonction défciente.
Comme l’indique le professeur Éric Salmon, de l’Université de Liège, les études montrent que si tous les types de mémoire sont
affectés dans la maladie d’Alzheimer, en particulier la mémoire épisodique, certaines capacités mnésiques demeurent préservées.
« Qui plus est, dit-il, le cerveau est en mesure de pallier des dysfonctionnements dans les réseaux de la mémoire et les défcits qui en
découlent. Comment ? En compensant les anomalies métaboliques, en utilisant des connexions cérébrales différentes et en recourant à
des stratégies alternatives. »
Il rappelle en outre que de nombreuses études entreprises en Belgique, notamment, sont axées sur les voies métaboliques
anormales occasionnant un dysfonctionnement des réseaux de la mémoire, sur des modèles animaux où ces réseaux sont altérés et sur
le fonctionnement de la mémoire humaine lors du vieillissement normal ou pathologique.
La « FaMiLiarité » : Une veine à exPLOiter
Plusieurs théories distinguent deux modes de rappel de l’information épisodique. Le premier, baptisé « recollection », correspond
à une remémoration au cours de laquelle l’information est associée à son contexte d’encodage (moment, lieu, circonstances, émotions
éprouvées, pensées personnelles). Le second, qualifé de « familiarité », se réfère au sentiment que l’on éprouve de connaître une
information (je crois avoir déjà vu cette personne), mais sans avoir accès à son contexte d’encodage. Sa fabilité est donc moindre,
le processus étant plus facilement sujet à de fausses reconnaissances, mais cela peut amplement suffre dans plusieurs situations de
la vie courante, comme des situations de routine. La « recollection » est atteinte dès les stades précoces de la maladie d’Alzheimer,
contrairement à la « familiarité », dont les supports neuroanatomiques sont préservés plus longtemps.
Éric Salmon : « Aussi un des objectifs de la recherche est-il de comprendre les déconnexions responsables de la perte d’informations
contrôlées (recollection), ainsi que la nature de ces déconnexions, d’identifer d’éventuels mécanismes compensatoires pouvant atténuer
les troubles mnésiques dans la maladie d’Alzheimer et de découvrir comment exploiter effcacement les nombreux processus de familiarité
afn de permettre aux patients Alzheimer d’accomplir des tâches quotidiennes valorisantes.
(1) La synapse est le site de connexion et de transmission d’information entre deux neurones (ou entre un neurone et une cellule musculaire). Elle
comporte un élément présynaptique qui envoie un message chimique, un élément postsynaptique qui le reçoit et, entre ces deux éléments, un
espace ou fente synaptique.